Castles & Crusades est un symbole de l’école OSR depuis une vingtaine d’années. Plus qu’une modernisation des premières versions de Donjons & Dragons, il est aussi une lettre d’amour au style de jeu original du JDR.
Les cinquante années de DnD ont été marquées par des évolutions conséquentes, mais aussi l’apparition de nouveaux jeux qui revendiquent une parenté avec le père des JDR. Le passage du jeu de TSR à Wizards of the Coast avec la 3e édition a été l’un de ces grands tournants. Il a poussé à l’officialisation du mouvement Old-School Revival/Renaissance ou OSR.
« La véritable 3e édition de AD&D »
Né en réponse au renforcement de la structure mécanique de la 3e et la 3.5e, il visait à revenir aux origines plus simples du hobby. Avec les années, le mouvement old-school s’est aussi diversifié et il continue d’être encore solide de nos jours. L’un des plus anciens champions de l’OSR s’appelle Castles & Crusades, un héritier spirituel de AD&D.
D’ailleurs, Gary Gygax lui-même aurait salué le jeu comme tel, la véritable 3e édition d’Advanced Dungeons & Dragons. Un honneur pour Troll Lord Games qui a été son éditeur durant un temps et qui a nommé le jeu d’après la communauté de joueurs de wargame dont Gary faisait partie avant de travailler sur DnD et TSR. Contrairement à ce que le titre laisse donc penser, ce jeu ne concerne pas les Croisades historiques.
Il s’agit plutôt d’un jeu de fantasy dans la pure tradition de Tolkien et des premières années de Donjons & Dragons. D’ailleurs, après sa sortie, Castles & Crusades a servi de système OSR pour la renaissance de Castle Greyhawk, renommé Castle Zagyg, le cadre avec un grand donjon que Gygax avait créé avec Kuntz et sur lequel ils ont continué de travailler.
Castles & Crusades et le succès d’un jeu OSR
La première sortie du jeu, en 2004, avait aussi une référence à OD&D. Ainsi, à la GenCon de 2004, on trouvait un kit de démarrage pour Castles & Crusades dans une boîte blanche. Comme la première boîte de DnD. Il contenait trois zines, trois ouvrages pour débuter le jeu, des dés à marquer soi-même et l’objet pour le faire.

La réception a été plus que positive. Certains attribuent même le lancement du mouvement OSR au succès de Castles & Crusades. Dès 2005, le JDR obtient même des prix, notamment l’ENNIES d’or de 2005 pour le meilleur jeu sous d20. Son système de jeu tourne exactement avec ce dé. La boîte blanche a précédé un manuel de joueur, un livret de meneur, un bestiaire et une extension pour les aventuriers sortis progressivement sur 10 ans.
Les avantages de la 3E au service de la philosophie des jeux à l’ancienne : le système Siege
Mécaniquement, si on résume Castles & Crusades, c’est qu’il prend le meilleur du système moderne de la 3e édition de Donjons & Dragons et la philosophie des premières éditions. L’unification des résolutions sous le dé à 20 faces, notamment. Cette combinaison permet à C&C d’être à la fois rapide et de favoriser la créativité et l’improvisation du meneur ainsi que des joueurs.
En plus du d20, Castles & Crusades reprend aussi les caractéristiques des personnages comme les PV, les attributs, les alignements, la race, la classe et la classe d’armure ascendante pour son système OSR. Il y ajoute son système inédit, le Siege Engine. Une division des attributs du personnage entre les primaires et secondaires. Elle détermine le seuil de difficulté de base ou CB des tests à faire hors combat.
Ainsi, si l’attribut est primaire, le CB est de 12 et de 18 s’il est secondaire. À ce CB, le meneur va ajouter un modificateur de difficulté allant de 1 à 10, en fonction de son évaluation de la difficulté de l’action. La somme s’appelle le Challenge Class, le CC, que le joueur doit égaler ou dépasser avec son jet. De son côté, le joueur ajoute des bonus à son dé dont son niveau comme avec Pathfinder.
Castles & Crusades et Shadowdark, deux géants de l’OSR, mais deux expériences différentes
Castles & Crusades se démarque dans le monde des jeux OSR par l’équilibre qu’il parvient à atteindre entre modernité et tradition. Une caractéristique qui fait que, depuis 2023, on le compare souvent à Shadowdark qui prend aussi le même parti. Cependant, leur base « moderne » n’est pas identique : C&C prend DnD 3e tandis que SD part de la 5e édition.
Le système de Castles & Crusades possède donc plus de crunch. Il propose ainsi plus de choix mécaniques dans la progression de personnages et s’adapte mieux pour les longues campagnes par comparaison à Shadowdark. L’ajout du niveau du personnage comme bonus par défaut au jet fait que les PJ expérimentés, ceux de niveau 15 environ, au moins, ne sont plus gênés par les petites tâches du quotidien de la vie d’aventurier.
À la place, le Castle Keeper, le MJ, est invité à introduire des quêtes plus épiques. Les 20 années de vie de Castles & Crusades font qu’il est d’ailleurs très riche de ce côté, en plus d’être compatible avec les modules des autres jeux OSR. Durant le scandale de l’OGL, beaucoup de rôlistes ont conseillé C&C comme alternatif à DnD.
Le futur de C&C : la version Reforged !
Cette période a aussi poussé des éditeurs comme Paizo à considérer leur contenu pour effacer le maximum de contenu emprunté à WotC. En 2024, Troll Lord Games a lancé le financement participatif de Castles & Crusades Reforged. En plus de se libérer définitivement de la dépendance à l’OGL, il étend le contenu initial des trois ouvrages de base. La gamme Reforged continue d’ailleurs de s’étendre avec sa version de l’Adventurer’s Backpack, en financement sur Backerkit jusqu’au début du mois de juillet 2025.
Bien que Castles & Crusades ait persisté dans le paysage OSR depuis près de 20 ans, il continue de se réinventer. Sa popularité est très stable, voire croissante, mais l’absence de chiffre ne permet pas de mesurer sa véritable portée en comparaison à DCC et Shadowdark, deux autres géants de ce mouvement, mais avec des visions différentes.
Contrairement à ces deux autres titres, toutefois, il n’existe pas de version française officielle de Castles & Crusades. En effet, malgré sa notoriété outre atlantique, C&C n’a pas encore trouvé d’éditeur pour faire son entrée dans l’Hexagone. Une situation qui ne changera probablement pas tant que le jeu ne connaîtra pas de buzz pour lui redonner une nouvelle vitalité auprès d’un nouveau public.