JunM
Si un JDR d’horreur est digne des avertissements sur la brutalité de son contenu, c’est Kult. Ses thèmes matures en font un jeu particulier.
Au cours de la dernière décennie, suite au nouvel âge d’or des jeux de rôle faisant suite au boom de la 5e édition de DnD, d’autres titres ont eu la chance de revenir sur le devant de la scène. Populaire dans de petits cercles il y a des années, ils ont trouvé un nouveau public dans ce nouvel environnement.
Des premières éditions en Suède…
Kult figure parmi ces gammes de JDR qui ont eu droit à une seconde vie au cours de cette période. Elle n’est que relativement obscure, ayant connu ses heures de gloire au cours des années 90 après la sortie de sa première édition en Suède. C’était en 1991. Il a ensuite fallu quelques années pour que le jeu sorte des frontières du pays pour l’Outre-Atlantique et les pays d’Europe.
Ceci se traduit par un ballet confus d’éditions, en suédois, en anglais et en français. Tandis que les éditeurs traduisent et combinent les ouvrages qui existent, ils en créent aussi de nouveaux. Ces sorties continuent jusqu’aux débuts des années 2000 avant que le jeu ne disparaisse des radars jusqu’à un reboot en 2016.
… à la gamme de JDR Kult : Divinity Lost
Kult : Divinity Lost, Divinité perdue en VF, est le nom de cette nouvelle gamme de JDR, sorti en Anglais chez Helmgast AB. Elle reprend les grandes bases du jeu des années 90, mais adopte une approche très différente au niveau des mécaniques. Ainsi, du système plus traditionnel basé sur un dé à 20 faces comme le fait Donjons & Dragons, Divinité Perdue passe à un moteur narratif, celui des jeux Propulsés par l’Apocalypse.
Un choix qui n’est pas du goût de tout le monde. Cependant, d’une part, il correspond mieux à l’ambiance et au genre de récits que veut proposer le jeu, et d’autre part, il lui permet de se démarquer des autres jeux qu’on pourrait lui comparer, notamment L’Appel de Cthulhu de Sandy Petersen. Explications.
L’horreur dans Kult : occulte, cosmique, contemporain, unique parmi les JDR
Depui les premières éditions jusqu’à Divinité Perdue, Kult reste un JDR d’horreur contemporain. Sur certains points, il se rapproche en effet du jeu de Chaosium et surtout de l’œuvre de Lovecraft. Les humains, dont les PJ font partie, y ignorent beaucoup de choses sur la réalité qui les entourent, et sur les créatures puissantes, les Archontes, qui façonnent cette réalité illusoire d’après ce qu’il y a de pire chez les hommes. La réalité n’est qu’une prison afin d’empêcher les humains de retrouver leur nature divine.
Ce lore est inspiré de croyances occultes sur la nature et les origines divines de l’homme. Au début de la partie, les PJ, individus lambda, commencent à prendre conscience de ces vérités. Ils seront ainsi amenés à s’y ouvrir au fur et à mesure, jusqu’à atteindre l’Illumination. Mais cette voie ne sera pas de tout repos et Kult ne ménage pas les rôlistes avec son contenu vicieux.
Un titre qui s’adresse à un public averti
Comme beaucoup l’ont noté, et c’est un avis que je rejoins, de nombreux titres modernes incluent des avertissements sur la sensibilité de leur contenu sans impérativement en avoir besoin. Ils concernent surtout l’évocation de thèmes matures et la nécessité d’assurer la sécurité émotionnelle à la table. Horrifique, Tomorrow City, DnD 2024… mais aucun de ces JDR à ma connaissance ne touche réellement ses sujets comme le fait Kult.
L’horreur dans Kult : Divinité perdue est contemporaine, crue et réelle. Par beaucoup de points, lire l’ouvrage de base de ce jeu ou encore le contenu de certains de ses scénarios me rappelle le roman Méridien de Sang. Les ouvrages ne se limitent dans ce qu’ils osent représenter : meurtre d’adultes et d’enfant, inceste, déformations physiques, violence sexuelle…, Le tout est souvent décrit sans voile.
Ce contenu n’est pas gratuit, à seul but de choquer le lecteur ou au contraire de le titiller. L’objectif est de proposer une horreur très personnelle et psychologique, comme ce qu’il se trouve dans la série des Silent Hill ou encore la franchise Hellraiser. Les parties sont quadrillées par le Contrat de l’Horreur, un moyen pour tout le monde de s’accorder sur les limites, mais aussi d’accepter de travailler ensemble à enrichir cette ambiance.
La beauté de Kult : un jeu difficile d’accès, mais riche
Des inspirations qui se retrouvent aussi dans les illustrations de Kult, elles font partie de mes préférés, pas seulement en termes de JDR, mais tout média confondu. Le tout contribue à vendre cette ambiance malaisante où tout semble à la fois si sombre, gris, crasseux, mais où le divin n’est jamais loin. Celui-ci pourtant n’est pas toujours rassurant et derrière les airs humains et angéliques d’une femme se trouve souvent une créature corrompue avec trop d’yeux, trop de dents et des griffes affûtées.
Sa personnalité fait que Kult demeure un JDR difficile à vendre au grand public. Toutefois, sa fanbase chérit le jeu qui a gagné des Ennies d’argent pour ses illustrations et son écriture en 2019. La gamme continue ainsi de recevoir des extensions, dont le dernier est en financement en ce début de février 2025. Ils en approfondissent les mécaniques et enrichissent le lore, mais surtout proposent des scénarios en plus.
Du fait de l’approche de Kult, très personnelle et psychologique, les scénarios du jeu privilégient les personnages prétirés. Ceci permet aux auteurs de les ancrer directement dans le thème. De plus, il garantit aussi que les PJ respectent le contrat de l’horreur. Les auteurs donnent ainsi une réelle structure aux récits qui gagnent en complexité et en immersion.
À ce propos, si les scénarios viennent sur le marché sous la forme de recueils, certains peuvent se trouver gratuitement et légalement grâce à l’éditeur. En effet, ils les proposent individuellement au format PDF sur son site. En France, ce n’est malheureusement pas encore le cas. Ainsi, si Kult fait partie du catalogue d’Arkhane Asylum depuis 2021, le seul scénario disponible au téléchargement, via ce lien, reste La Galerie des Âmes.
