Last Train to Bremen est à la fois un JDR sans meneur, un jeu de société compétitif et une expérience narrative. Un titre virtuel indépendant de 2024, il passe à présent en format physique en plus de figurer parmi les nominés aux ENNIES de 2025.
Si les jeux de rôle sont surtout connus pour proposer des expériences collaboratives riches, des créateurs ont décidé de s’intéresser à l’aspect PvP. Ainsi, des extensions des titres traditionnels, mais aussi des titres spécifiquement pensés pour permettre un jeu compétitif tout en étant riches en narration ont vu le jour.
Last Train to Bremen: un JDR et un jeu de société
Last Train to Bremen est un JDR sans meneur qui prend ce parti. Il a été conçu par Caro Asercion en s’inspirant de légendes telles que celle de Robert Johnson, un musicien de blues qui aurait vendu son âme au diable, et du conte des Musiciens de Brême. Le jeu met en scène quatre musiciens dans le wagon d’un train et leur trajet vers une destination mystérieuse dans l’espoir d’échapper à un pacte passé treize ans auparavant avec le Diable.
Qui sont-ils ? Comment sont-ils arrivés là ? Quels secrets cachent-ils ? Le jeu prend la forme de narrations à tour de rôle où les joueurs vont tisser une trame cohérente jusqu’à ce qu’il n’en reste plus qu’un. Chaque partie est donc un one shot dans un cadre huis clos dont la variété nait de la créativité que chacun met derrière l’archétype de son personnage et le récit qu’il brode autour de son secret, de son rapport avec les trois autres membres de la bande et surtout de sa déchéance
Chaque partie nécessite exactement quatre joueurs, prend environ 3 à 4 heures et ne nécessite pas de préparation. Comme d’autres JDR comme Horrifique ou CBR+PNK, Last Train to Bremen, fonctionne donc aussi comme une activité à faire durant une soirée, sur un coup de tête. Cette idée est d’autant plus renforcée dans sa version physique puisqu’il s’agit d’un livret A6 avec quatre cartes qui résument les personnages et une douzaine de dés à 6 faces.
C’étaient un coq, un chat, un chien et un âne dans un train…
Les PJ sont presque entièrement prégénérés. Ils s’inspirent des quatre animaux du Musicien de Brême et représentent l’instrument et le rôle de chacun au sein de la bande. Ainsi, le Coq est à la fois le violoniste et le responsable des relations publiques, la face de la bande. Le Chat joue de la basse et fait office de manger, il est le cerveau de la bande. Le Chien, guitariste et parolier est le cœur. Et l’Âne occupe à la fois la batterie et la trésorerie.
Au niveau des fiches, ces différences se traduisent par des entrées uniques pour chaque musicien. Les questions, d’abord, qui sont à poser aux autres membres. Les souvenirs qui servent d’inspiration à la réaction du personnage lorsqu’il perd un dé, puis un second. Enfin, le secret, à choisir parmi trois et qui confère une capacité inédite au PJ.
En tant que JDR, Last Train to Bremen peut sembler léger au niveau mécanique de ce point de vue, il l’est. Mais comme pour les autres titres narratifs, c’est surtout aux joueurs d’apporter de l’épaisseur par leurs récits. Le jeu encourage d’ailleurs l’inclusion de thèmes lourds, de trahisons… Avec l’utilisation de safety tools pour assurer une expérience plaisante pour tout le monde.
Le moteur du jeu, le Liar’s Dice
Mécaniquement, ce jeu propose aussi une expérience différente. Il ne tourne pas sous un moteur de jeu de rôle, mais prend la forme d’une partie de Liar’s Dice, un jeu de dés dont l’auteur est un grand fan. Chaque joueur commence la partie avec 3 dés (3 x4 = 12, d’où la douzaine de dés) et un gobelet opaque. Chacun jette sa main dans son gobelet, consulter le résultat, mais sans le révéler aux autres participants.
Un joueur débute la manche. Il annonce un nombre de dés et la valeur d’une face, par exemple : « deux 4 ». Ensuite, le joueur suivant a deux choix : monter ou dénoncer. S’il monte, alors il fait une nouvelle annonce en montant le nombre de dés, la valeur de la face ou les deux, il ne peut baisser ni l’un, ni l’autre. Dans notre cas, il peut déclarer « trois 4 », « deux 5 » jusqu’à « trois 6 », mais pas « un 4 » ou « deux 3 », par exemple. Last Train to Bremen, c’est un JDR de bluff : il faut tromper les autres joueurs pour les inciter à faire une erreur d’appréciation !

Car si un joueur dénonce l’annonce alors tout le monde révèle ses dés et on compte le nombre d’occurrences de la face. Si elle est supérieure ou égale à l’annonce, alors le joueur qui a dénoncé perd un dé, sinon, c’est celui qui a fait l’annonce qui perd un dé. Un joueur qui n’a plus de dés est éliminé de la partie, on joue jusqu’à ce qu’il ne reste qu’un joueur. Des règles additionnelles comme le Dé du Diable ajoutent une dimension stratégique unique par rapport à la version traditionnelle du jeu.
Un JDR atypique : le charme de Last Train to Bremen
Le fonctionnement de Last Train to Bremen me rappelle en fait un autre JDR que j’aime particulièrement, Dust Devils. Comme lui, il utilise un jeu de bluff et de chance, le poker, pour déterminer une chose : qui a le contrôle sur la narration. Car c’est ce joueur qui va décider du déroulement des événements.
Mais comme ce dernier aussi, voire plus que lui, il ressemble plus à une partie du jeu en question où le roleplay apporte surtout une histoire par-dessus. Le Liar’s Dice est un moteur qui reflète, à travers la mécanique, l’ambiance et les thèmes du jeu. Mais on perd ainsi du JDR, on est loin de la liberté de choix dans les actions et les décisions comme dans les jeux de rôle traditionnels.
Pour autant, l’originalité de Last Train to Bremen n’a pas complètement aliéné la commu des JDR. Au contraire même, car le jeu s’est vu remettre de nombreuses récompenses tout au long de sa première année d’existence sur itch.io. Et tandis qu’il prétend à de nombreuses nominations aux ENNIES de 2025, un projet Backerkit avec Possum Creek Games vise à produire un format physique avec l’essentiel pour jouer au jeu clé en main.
