in ,

La sirène du monstre mythologique vers la beauté de la fantasy

La sirène a parcouru un long chemin depuis les mythes antiques pour arriver dans la fantasy
Source : Pixabay

La sirène a parcouru un long chemin depuis les mythes antiques pour arriver dans la fantasy. Craintes ou désirées, ces créatures sont mises à l’honneur durant le Mermay.

La culture populaire a forgé des images précises des créatures fantastiques. Ainsi, on n’imagine pas toujours toutes les variantes, dans le temps et dans l’espace, qui peuvent exister de chacun d’entre eux.

La sirène gréco-romaine : tentatrice des marins

C’est le cas pour la sirène : buste de femme et queue de poisson, cette représentation de la fantasy moderne n’est venue que bien plus tard. En effet, les premières mentions des sirènes en Occident datent de l’Antiquité, dans les mythes grecs. Les traditions diffèrent, mais on attribue souvent leur parenté au dieu Achéloos et la déesse Stéropé qui ont enfanté de deux à quatre filles.

Ces jeunes femmes ont été changées en monstre pour les punir. Leur faute : soit avoir caché l’enlèvement de leur amie Perséphone, soit avoir refusé d’accepter l’amour et donc vexer Aphrodite. À présent transformées, elles occupent une île proche de la Sicile où elles attirent les marins à leur perte.

On les retrouve ainsi comme antagonistes dans deux mythes impliquant des marins. Ulysse/Odysseus, chez Homère, se fait attacher au mat de son navire afin d’écouter l’appel des sirènes tandis que ses hommes se protègent avec de la cire dans les oreilles. Jason et ses Argonautes, eux, ont l’avantage d’avoir Orphée qui parvient à rivaliser l’appel des sirènes avec sa lyre. Dès ces versions, on retrouve une constante que les sirènes garderont jusque dans la fantasy : leur voix charme les hommes.

En revanche, leur apparence diffère grandement de l’imagerie moderne. Si le texte homérique ne les décrit pas, les dessins sur les amphores en font des êtres mi-femme mi-oiseau, à l’instar des harpies. L’attribut qu’on leur donne principalement aujourd’hui, la queue de poisson ne viendra que plusieurs siècles après.

La sirène du Moyen-âge au XIXe siècle, les bases de la fantasy moderne

Au début du Moyen-âge, un auteur inconnu rédige le Physiologo ou Physiologus. Dans cet ouvrage didactique, il présente des animaux, pas forcément réels, dont les sirènes. C’est à partir de là que les attributs des poissons côtoient puis remplacent progressivement ceux des oiseaux chez la créature fantastique.

Aux alentours du IXe siècle, les bestiaires montrent donc à la fois des sirènes telles que l’on les présente dans la fantasy moderne, mais elles ont encore des traces de leur héritage antique. Des créatures mi-femme, mi-poisson, avec parfois des ailes ou des pattes avec des serres peuplent ces ouvrages. La transformation physique s’accompagne aussi d’une certaine transformation dans la perception.

Profondément chrétien, le Moyen-âge reprend les sirènes pour mettre en garde le croyant contre le péché de luxure. Mais tandis que l’on avance vers les Lumières et la redécouverte des textes antiques, les arts détournent ce symbolisme pour montrer la vanité, mais aussi pour montrer la grâce féminine. Et à partir du XIXe siècle, la sirène passe enfin de monstre antagoniste à une figure romantique.

Sur les tableaux, notamment celui de Waterhouse, on la montre seule et mélancolique. La sirène qui va transcender cette époque et arriver dans la fantasy du XXIe siècle, c’est celle d’Andersen. Elle reprend d’ailleurs beaucoup d’éléments chrétiens, romantiques et même un peu de l’idée de la punition divine déjà présente durant l’Antiquité. Plus qu’un conte pour enfants, ce récit reste une histoire très personnelle pour l’auteur. En effet, il parle de son amour interdit avec un de ses amis, du fait de la mentalité de leur temps.

La sirène dans la culture populaire et dans le JDR

Beaucoup de ces idées disparaissent de la version moderne que l’on connaît le plus : celle de Disney. L’enjeu autour de la perdition de l’âme immortelle, la douleur de la transformation et la triste fin de la protagoniste, malgré une petite lueur d’espoir, sautent dans le dessin animé de notre enfance. Ils ne reviennent pas non plus dans son adaptation en prise de vue réelle.

Du côté des autres médias de fantasy, on retrouve aussi la sirène ou les créatures proches d’elle comme protagoniste. Ainsi, dans la 5e édition de Donjons & Dragons, elles sont jouables via l’extension Plane Shift – Ixalan, sous leur forme aviaire tandis que la race/l’espèce d’homme-poisson la plus commune est le triton.

D’autres titres proposent aussi d’incarner de telles créatures : Monsterhearts et Moonlight on Roseville Beach (mon petit coup de cœur sur lequel j’ai fait un actual play ici), par exemple. Elles servent surtout d’imagerie queer, ce qui ne s’éloigne pas vraiment de l’usage qu’en a fait Andersen. Pour un titre centré sur la sirène elle-même, on peut citer un jeu de 2012 : Mermaid Adventures présentée ici par Zigmenthotep.

En dehors de la fantasy occidentale, la figure omniprésente de la sirène

Une métaphore de l’autre

Le monstre, l’autre, la sirène et ses semblables le sont aussi dans d’autres œuvres en dehors de la fantasy. Ceux des Profondeurs chez Lovecraft, par exemple, offrent une vision cauchemardesque de la figure sirénienne. Immortels à l’allure grotesque, ils sont au centre de l’intrigue dans l’Ombre sur Innsmouth et ses adaptations, dont Dagon, en 2001.

Comme pour de nombreux textes du Maître, malheureusement, le sous-entendu raciste est là : on peut y voir la critique du métissage avec les « sauvages ». Pour une meilleure utilisation de la sirène afin de parler de ce sujet, je pense qu’il n’y a pas de meilleure œuvre qu’One Piece, le manga d’Eichiro Oda. Sirènes et Homme-Poissons sont tour à tour oppresseurs et oppressés, et le message ne manque pas de subtilité, notamment en acceptant de parler du poids de la mémoire et des préjugés sur les sociétés actuelles.

Du côté du Pays du Soleil Levant d’ailleurs, on trouve aussi des sirènes. Les « Ningyo », « poissons-humains » s’approchent plus du singe-poisson et la légende attribue à leur chair le pouvoir de donner une longévité accrue, voire l’immortalité, à ceux qui la mangent. Le manga « Mermaid Forest » s’inspire de cette croyance, bien qu’il fasse des ningyo de belles femmes, plus proches de l’imagerie occidentale.

La sirène dans le monde : d’autres inspirations pour la fantasy

Il existe encore plein d’autres créatures que l’on pourrait assimiler de près ou de loin au mythe de la sirène et dont la fantasy peut s’inspirer. De la Lorelei du Rhin et la Rusalka d’Europe de l’Est, en passant par la Yara d’Amazonie, à la Zazavavindrano de Madagascar, la Mami Wata d’Afrique de l’Ouest, la Yawkyawk d’Australie ou la Qallupilluit des Inuits, la sirène est présente sous une forme ou une autre sur tous les continents.Et vous, n’hésitez pas à parler de vos sirènes favorites et comment vous les avez utilisées dans vos campagnes de JDR.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *