Artefact est un JDR solo qui propose plus que de la narration. Bien que léger sur la partie ludique, il se démarque en invitant le rôliste à s’immerger dans son rôle par la méditation.
Chez jeuxderole.com, on aime les petits jeux narratifs solos. Malgré leurs règles limitées, parfois très limitées, ils proposent aux joueurs une expérience immersive très particulière dans des mondes et des rôles généralement impossibles avec des systèmes plus classiques.
Un petit titre accessible
Artefact rentre dans cette catégorie de JDR solo. Dans ce spectre, il est moins un « jeu » comme l’est Ronin ou Les As de l’Adriatique et plus proche de l’exercice de rédaction comme Chroniques d’un vampire Millénaire. En effet, ici, pas de jets pour déterminer la réussite ou l’échec, le hasard ne fait que guider aléatoirement l’histoire.
Le jeu en lui-même est l’œuvre de Jack Harrison et publié chez Mousehole Press depuis 2019. Il est principalement disponible au format virtuel sur sa page Itch.io pour 14 $. La communauté a aussi mis des exemplaires gratuits pour ceux qui voudraient profiter du jeu, mais qui n’en ont pas les moyens.
Les petites mécaniques d’Artefact
Artefact : un JDR solo où on incarne un objet magique
Dans Artefact, le point de vue change par rapport à ce dont on a l’habitude dans les autres JDR, solo ou non. Si les rôlistes incarnent toujours les aventuriers dans des quêtes qui peuvent les conduire à trouver des trésors d’un autre âge, perdus dans les méandres du donjon, ce jeu leur demande de se mettre dans la peau de ces objets. Le protagoniste est un objet magique.
Ainsi, au fil de la partie, le joueur découvre, suit et écrit l’histoire de celui-ci, de cet artefact. Ceci se fait à travers des prompts guidés par des questions et/ou des jets. Par exemple, au début de la session le joueur doit choisir quelle sorte d’objet il incarne. Il choisit donc entre six options allant de l’arme à l’automate, mais incluant aussi des objets plus inhabituels tels qu’un instrument, un deck de cartes et même des chaussures.
La dynamique artefact/keeper, le cycle de ce JDR solo
Là, le JDR solo commence par la création de l’artefact. En une page, le joueur a une série de prompts et de questions pour former l’origin-story de l’objet. L’arme a été forgée par un forgeron, comment s’appelle t’il ? Quel titre honorifique a t’elle acquise avec les années ? C’est l’usage qu’on a fait de l’arme et qui fait sa légende.
L’artefact possède des traits qui n’ont pas vraiment de rôle mécaniques. Ils servent surtout à aider le joueur à visualiser les capacités et l’apparence de l’objet. La création de ce dernier se conclut par un dessin, un croquis de l’artefact. Les traits et le dessin ne resteront pas statiques : le temps et les actions vont les faire évoluer.
Mais celles-ci dépendent de l’autre moitié de l’équation, c’est le Keeper. Tout seul, l’artefact ne peut rien faire, il lui faut un utilisateur ou un propriétaire. Par rapport à l’objet, le Keeper est un mortel : son temps est limité. Tandis qu’il va mourir à un moment donné, l’artefact va continuer son existence et passer à un autre Keeper. Il faut juste attendre que ce nouveau venu le trouve… C’est la boucle du JDR solo Artefact : quelqu’un trouve l’objet et s’en sert avant de l’abandonner ou le perdre, il passe alors à un autre après qu’une durée donnée se soit écoulée.
Les Repos : phase d’introspection et de méditation pour le joueur
Ce temps d’attente donne sa partie contemplative à Artefact. Le jeu explicite que les parties doivent se jouer seules et dans le silence (sauf à certains moments) pour un maximum d’immersion. Le silence n’est brisé que durant ces phases d’attente où le jeu fournit des pistes musicales à jouer.
Ces périodes de calme ont un but : méditation et introspection. Comme l’objet immobile, incapable de bouger, silencieux dans le noir durant des éons indéterminés, le rôliste va rester en place et laisser faire. L’idée semble saugrenue, mais elle fait d’Artefact une expérience très différente à condition qu’on veuille bien se prêter à ces conditions particulières pour un JDR solo.
La durée de cette période d’accalmie en dehors du jeu est proportionnelle à celle avant l’arrivée d’un nouveau Keeper. Ainsi, après sa création, un artefact peut trouver un utilisateur immédiatement : pas de Repos donc, jusqu’à une décennie : une minute de Repos. La plus longue attente pour le rôliste est de six minutes.
Une expérience précise, mais limitée
Avec son gameplay minimaliste, Artefact ne séduira pas tous les fans de JDR, y compris ceux habitués aux titres en solo comme Ironsworn. En revanche, il offre une expérience très relaxante, libératrice dans une certaine mesure quand on n’a pas l’énergie pour un titre plus complexe. Ceci est d’autant plus renforcé par l’inclusion de la méditation dans la session.
Cependant, il a aussi un aspect pratique que tout meneur pourrait apprécier : générer un lore pour des artefacts. Les titres de ce genre (je pense à Lignées Royales notamment) donnent une dimension ludique à la création d’autres éléments qui pourront s’insérer dans d’autres jeux. La rédaction d’un journal peut même fournir un accessoire que le meneur pourra faire circuler auprès de ses joueurs au cours de la partie. Mais, Artefact a toutefois une certaine limite quant à ce qu’il offre : son cadre de jeu.
En effet, il assume que l’univers est plutôt dans la veine de la fantasy classique. Celle de Tolkien, celle de Gygax, et le joueur doit donc adapter et improviser s’il veut une aventure dans un cadre différent, la SF ou un monde noir au passé lovecraftien, par exemple.
Les autres titres de Jack Harrison : d’Artefact aux autres JDR en solo ou non
Hormis Artefact, la page Itch.io de Jack Harrison comprend aussi d’autres projets sur lesquels il a travaillé par la suite, certains sont aussi des JDR solo. Ce sont Bucket of Bolts et Koriko : A Magical Year, son dernier projet à ce jour. Ainsi, Bucket of Bolts hack Artefact afin de suivre l’histoire d’un vaisseau dans un futur lointain au fil des Capitaines successifs tandis que Koriko : A Magical Year invite le joueur à vivre sa petite histoire dans le style du Ghibli Kiki’s Delivery Service.
Jack Harrison aime aussi expérimenter avec d’autres systèmes de résolutions que les habituels dés et caractéristiques. Si Artefact et Bucket of Bolts n’en incluent simplement pas, Koriko et The Slow Knife emploient des cartes et Orbital des jetons. Expériences uniques qui permettent de sortir des sentiers battus et d’apprécier la fraîcheur de récits et de mécaniques inédits.