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Gamma World, un pionnier oublié de l’histoire des JDR

Gamma World est un titre marquant dans l’histoire des JDR. Avec son univers et ses règles, il a influencé ce paysage culturel.
Source : Keith Parkinson

Gamma World est un titre marquant dans l’histoire des JDR. Avec son univers et ses règles, il a influencé ce paysage culturel.

Après l’innovation ludique qu’était la première version de Donjons & Dragons, d’autres créateurs se lancent dans l’aventure. Plus que de copier le père des jeux de rôle, ils explorent donc d’autres horizons, alors inédits.

De Metamorphosis Alpha à Gamma World, deux JDR frères

C’est le cas de James M. Ward avec Metamorphosis Alpha, puis Gamma World, les précurseurs des JDR de Science-fiction. En 1976, Ward crée son premier titre, Metamorphosis Alpha, et en obtient la publication auprès de la compagnie de Gygax, TSR.

Gygax et Ward, photo de Goodman Games

Bien que similaire à Donjons & Dragons dans les grandes lignes de ses mécaniques, le jeu de Ward s’en différenciait aussi. Pour cela, il adaptait les particularités de son univers. Ainsi, dans Metamorphosis Alpha, les joueurs prenaient le rôle d’humains et de mutants (humanoïdes, végétaux ou animaux) dans un vaisseau-monde, le Warden, entourés d’une technologie dont ils ont perdu l’usage.

Grâce à ce concept, Metamorphosis Alpha pouvait offrir des expériences très différentes de son prédécesseur med-fan. Entre autres, les mutations faisaient qu’il disposait d’un système de création de personnages très particulier aux résultats farfelus. Ce système constitue un héritage très important de ce JDR que l’on retrouve chez son descendant, Gamma World.

Là, le jeu enfante donc deux branches : Metamorphosis Alpha et Gamma World. Si dans un premier temps, tous les deux paraissent chez TSR, leurs chemins se séparent quand ce dernier ferme ses portes durant les années 90. Ainsi, le premier, en tant que propriété de Ward, va passer chez d’autres éditeurs tandis que le second entre sous l’égide de Wizards of the Coast.

La folle histoire d’un jeu de rôle mutant

Gamma World constitue un cas très intéressant en termes de JDR. En effet, il a eu droit à ce jour à 7 éditions. Cependant, en comparaison à d’autres titres qui ont eu autant de longévité, comme l’Appel de Cthulhu, Tunnels & Trolls ou même Donjons & Dragons, son système et même son univers ont toujours évolué. Par conséquent, chaque version du jeu fonctionne très différemment des autres.

Les années TSR, d’une alternative à DnD…

Tout comme leur papa Metamorphosis Alpha, les deux premières éditions de Gamma World constituaient des variantes de leur version contemporaine de DnD. La différence étant que la dernière édition avait appris des retours sur la précédente et visait donc à améliorer l’expérience de jeu.

Mécaniquement, on y trouvait les bases d’Advanced Dungeons & Dragons. Les jeux tournent surtout autour des 6 caractéristiques avec des règles qui visent à simuler un style de jeu bac à sable où l’exploration et l’intégration des sociétés présentes dans le monde sont aussi essentielles que les combats. Ainsi, augmenter le statut du PJ au sein des factions de Gamma Terra en les aidant importe autant, sinon plus, que l’expérience acquis en battant des monstres.

… à Gamma World, un JDR unique

Avec sa troisième édition, Gamma World embrasse un autre JDR de TSR : Marvel Super Heroes. Ce jeu a marqué le créateur de la future adaptation en jeu de rôle d’Invincible. Gamma World délaisse les d20 pour la matrice universelle colorée de ce titre et un système de pourcentages. Compliquée en apparence, l’Action Table (ACT) est en fait un outil versatile et accessible qui pouvait faire tourner l’ensemble du jeu, jeu qui avait d’ailleurs marqué le public.

Toutefois, la production de cette édition de Gamma World avait souffert de problèmes en coulisse. En effet, ceux qui l’ont testé parlent d’un produit négligé, aux règles bâclées et incohérentes, au point que TSR avait publié un supplément gratuit des règles qui constituerait un patch day one dans notre jargon de jeu vidéo moderne. Ce document gratuit apportait des corrections et des clarifications essentielles pour pouvoir jouer sans que le meneur ait à corriger tout l’ouvrage d’abord.

La 4e édition est la dernière à sortir chez TSR, en 1992. Après celle-ci, Gamma World, comme l’autre JDR plus populaire, passe sous WotC. Le jeu abandonne l’ACT pour revenir à un système d20 : en fonction du test, le joueur devait faire plus ou moins qu’un seuil défini. Par certaines innovations, il constitue le précurseur de la 3e édition de DnD.

En tant qu’ultime version de Gamma World chez TSR, la 4e édition de Gamma World a une bonne réputation auprès de la communauté. Pour beaucoup, il s’agit de la version la plus aboutie du jeu et celle par laquelle un joueur moderne pourrait découvrir l’esprit de ce classique avec son monde fou et ses mutations. Cet esprit qu’on ne retrouve malheureusement pas chez les 3 dernières. 

Les essais malheureux de WotC 

Chez WotC, Gamma World revient d’abord en 2000 en employant les règles du JDR Alternity, une gamme déjà mourante à l’époque. Les systèmes de résolution et de création de personnages de la 5e édition reflètent cela puisqu’elle reprend ceux de ce dernier. Le ton de Gamma World est absent. Le jeu se veut sérieux et abandonne les éléments humoristiques. Ward l’a pourtant toujours dit, ce monde est un univers de science fantasy, pas de la hard SF, il ne devrait pas se prendre au sérieux.

La couverture très début des années 2000 de la 5e de Gamma World

On enchaîne ce problème de ton et d’exécution avec la 6e édition. Cette fois, Gamma World n’est même plus un JDR à part entière, mais un supplément du système générique que WotC tentait d’imposer au marché à l’époque : D20 Modern. En plus de l’esprit de l’univers qui est absent, Gamma World 6e était un produit White Wolf et présentait les problèmes de cohérences communs dans les produits de l’éditeur à l’époque.

Enfin, l’histoire officielle de Gamma World prend fin avec la 7e édition, en 2010. Si le jeu en lui-même tourne sous le moteur de la 4e édition de Donjons & Dragons, le mal vient surtout avec l’expérience de WotC. À la recherche d’un moyen d’augmenter son profit, l’éditeur avait essayé de doubler le TTRPG d’un TCG. Ainsi, les joueurs avaient besoin d’acheter des boosters packs pour renforcer leurs PJ.

Le jeu disparaît après quelques mois. Cependant, le souvenir de cette tentative de monétisation explique en partie que les rôlistes demeurent méfiants vis-à-vis de WotC. Certains les soupçonnent de chercher à implémenter un système similaire sous forme de microtransactions dans le futur de DnD Beyond et le VTT.

Disparu, mais pas oublié

Quant à Gamma World, il reste un chouchou dans le monde des JDR. Même en 2025, on trouve des discussions sur les forums autour des différentes éditions de la part de néophytes qui veulent essayer le jeu et de retours de vétérans. Les 3 mutants de TSR trouvent aussi leurs fans. Ils tentent de remédier aux problèmes de ces jeux et de garder ce qu’ils ont de mieux à offrir. Personnellement, j’aimerai essayer le système de classification des personnages dans la 7e édition, par exemple.

L’héritage de Gamma World se retrouve aussi dans d’autres jeux. Mutant Crawl Classic est à Gamma World ce que DCC est à ADnD, des fans ont entrepris de convertir Gamma World à DnD 5e, Gamma World a inspiré Mutant Year Zero et par extension tous les jeux tournant sous le système de Free League. Mais surtout, la franchise Fallout lui doit son approche déjantée du post-apo.              

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