Imperator est un jeu de rôles historique français. De la politique, de la guerre… et bien plus dans un titre qui profite de la richesse de son cadre.
Si la majorité des JDR s’ancrent dans une variante de l’Europe médiévale, d’autres osent explorer les autres cadres historiques et culturels. Si l’année dernière je vous ai parlé de Sapa Inca, cette fois, voici un jeu qui revient sur l’un des plus grands empires du Vieux Continent.
Quand le JDR joue avec l’histoire
En 90 av. J.-C.…
Comme son nom l’indique, le jeu de rôles de Bruno Guérin prend place à la fin de la République et aux balbutiements de l’Empire, période qui a vu, entre autres, un Imperator très célèbre, Jules César. Ce contexte de changement est compliqué et complexe ! Mais pour ce qui nous intéresse en tant que rôlistes, il est rempli d’opportunités scénaristiques pour un jeu où les personnages sont tous aussi ambitieux les uns que les autres.
En effet, légionnaire, marchand, artiste ou autre, le PJ dans Imperator vise les honneurs et les réussites. Auréolés de leur Gloire, ils vont devenir des héros qui marqueront l’Histoire aux côtés (ou contre) des personnages comme Auguste, Cléopâtre ou encore Vercingétorix. Ceux que l’on célèbre encore, plus de 2000 ans plus tard.
Imperator, un jeu de rôles plus épique qu’historique…
Imperator ne se présente pas comme un jeu fidèle à l’histoire, les joueurs y tiennent plutôt des rôles héroïques. Ainsi, d’une part, ceci se traduit par une place centrale à l’épique durant les récits et d’autre part, par la possibilité de l’existence du surnaturel. La magie, les êtres fantastiques et divins feront autant partie des histoires quasi mythiques des PJ que les citoyens romains et les barbares.
Cette richesse et cette souplesse permet à Imperator de reposer efficacement sur les trois piliers du jeu de rôle. Le combat, les interactions sociales et l’exploration sont tous sur la table tandis que les joueurs interagissent avec un monde ouvert auquel leurs actions contribueront. Personnellement, je le vois comme un titre similaire à Cyberpunk RED. C’est-à-dire un jeu où les PJ sont un élément d’un écosystème qui reste globalement indépendant et plus grand qu’eux.
La création de personnages propose beaucoup d’options. Du point de vue de l’origine, le PJ pourra venir de n’importe laquelle des régions du vaste territoire qui constitue Rome et de toutes les strates de sa société. Cependant, en fonction de celle-ci, il pourra se tracer une voie de Carrière qui va l’amener à vivre des aventures… Et monter dans l’échelle sociale.
… Et en monde ouvert
Si cette liberté permet bien de vivre différents types d’intrigues allant de quêtes épiques aux conflits purement politiques, je suggère malgré tout aux rôlistes de se cantonner à une ambiance, tout du moins au départ. De mon expérience personnelle, laisser une liberté totale aux PJ peut s’avérer difficile pour un meneur, surtout débutant.
Je vous renvoie à des jeux comme Dungeon World cependant pour trouver des astuces afin de gérer intelligemment les factions et les événements du monde. Aussi bien ceux en lien avec les PJ que ceux qui sont indépendants d’eux, mais qui font justement que le monde vit. Un élément essentiel pour un cadre de jeu de rôles aussi dynamique que celui d’Imperator. Revenons au jeu.
Les mécaniques de jeu derrière Imperator : des rôles, des d10 et des compétences
Au niveau des systèmes qui régissent la partie « jeu » de ces « rôles », Imperator décrit les personnages à travers quatre caractéristiques. Dans un souci d’immersion, le jeu utilise le Latin : Corpus, Charisma, Sensus et Spiritus avec des compétences correspondantes. La présentation de la fiche me rappelle beaucoup les jeux qui tournent sous le d100 de Chaosium, mais surtout le Storyteller System. Et pour cause, la présence des points à côté des listes de compétences sous chaque caractéristique.
Par ailleurs, comme les jeux du Monde des Ténèbres (et le JDR Street Fighter), Imperator utilise des d10 à la résolution et un système presque similaire. Ainsi, le joueur va d’abord additionner les niveaux de la compétence et de la caractéristique pertinente pour son action et jette un nombre de dés égal à cette somme. Ensuite, il comptera le nombre de réussites : les dés dont la valeur dépasse le seuil de difficulté établi. Un 10 vaut pour deux succès tandis qu’un 1 en retire un.
Ce système est à la base de tous les tests dans le jeu de rôles Imperator. En conséquence, seul le dé à 10 faces est nécessaire pour toutes les situations. Cette comparaison avec le Monde des Ténèbres suppose que son système et son approche ont fait leurs preuves pour le style monde ouvert auquel il aspire.
La mécanique de la Gloire influence et est influencée par les actions des personnages joueurs. Si d’une part elle fait office de ressource que le joueur peut dépenser pour l’aider dans ces actions (ce qui est présenté comme un moyen de réussir des exploits), elle est aussi une représentation de l’intégrité de son PJ. Ainsi, les actions considérées comme inacceptables par la société romaine vont la faire baisser.
Du financement de 2020 à celui de 2025
JDR Editions a pu sortir le livret de base d’Imperator grâce à une campagne de financement, comme pour beaucoup dans le monde du jeu de rôles. C’était sur Ulule en 2020 et elle s’est conclue avec 23 109 euros, près de 400 % de son objectif initial.
Il s’accompagnait alors de deux scénarios premiers jouables. L’Aigle de Rome centré sur la vie de César entre -88 av JC et sa mort en -44 av JC et introduit des règles optionnelles pour les grandes batailles à l’échelle des légions. Les Fils de Romulus & Redditus Ignis suit des événements politiques plus prosaïques comme l’intégration de Lugos au territoire.
Territoire qu’un seul ouvrage ne pouvait pas restituer dans toute sa grandeur et sa diversité. Depuis, d’autres livrets additionnels ont suivi pour compléter aussi bien les règles que les différentes régions conquises par Rome : Africa, Judée, Magna Germania, Pompéi et Rome.
D’autres manquent encore à l’appel et seront partiellement complétés cette année par une nouvelle campagne de financement, cette fois sur GamesOnTabletop. Orbi Mundus III débute le 21 janvier 2025 avec deux ouvrages en objectif.
Orbi Mundus III et l’avenir d’Imperator
Le supplément sur l’Égypte présente le Don du Nil. Il contient aussi bien l’histoire de ce territoire clé de l’Empire, que ses personnages importants, ses habitants et leurs croyances ainsi que ses lieux importants à travers de nombreux chapitres. Plus que de faire un cours d’histoire ou d’anthropologie, il s’agit d’offrir aux joueurs d’Imperator une source d’inspiration et un ancrage solide pour leurs parties de jeu de rôles.
Ces 200 pages se concluent sur 6 scénarios égyptiens jouables. Cependant, il ne s’agit que d’exemples en attentant une future campagne sur Auguste. Pour rappel, il s’agit du fils adoptif de Jules César, mais aussi du premier Empereur de Rome, vainqueur de Cléopâtre et Marc-Antoine, une personnalité clé dans le cadre choisi par Imperator.
L’autre ouvrage s’intitule Liber Monstrorum. En tant que bestiaire du jeu de rôles, il présente une sélection de créatures (sur)naturelles et mythiques dans la gamme Imperator. Cette sélection est très large puisqu’elle englobe des êtres allant des animaux fantastiques à des divinités des panthéons grecques et romaines, mais aussi certains des empereurs que l’histoire aura retenu pour leurs actes. La page sur GameOnTabletop mentionne Néron, le matricide persécuteur des Chrétiens qui aurait brûlé Rome ainsi que Caligula, son neveu sanguinaire.
Je pense qu’Imperator n’a fait qu’effleurer la surface quant il s’agit de ce que la Rome Antique a à apporter en matière de jeu de rôles. Heureusement, la passion des créateurs et des rôlistes semble lui assurer encore un bel avenir. En plus de la campagne d’Auguste, Orbi Mundi III souffle déjà que les ouvrages pour les cadres de la Gaule et de la Bretagne sont en préparation!