Urban Shadows est un JDR PbtA d’urban fantasy qui a surpris le public il y a dix ans. Il revient à présent avec plus d’emphase sur ce qui a fait sa renommée comme le jeu de rôle qui parvient le mieux à simuler les luttes politiques entre des factions.
Après le succès fulgurant du Monde des Ténèbres dans les années 90, les jeux de rôle de fantasy urbaine ont trouvé leur niche. Là où les héritiers de DnD privilégient l’aventure et ceux de l’Appel de Cthulhu l’investigation, ceux de VtM et compagnie préfèrent les intrigues politiques qui impliquent des créatures fantastiques manipulant l’élite urbaine depuis les ténèbres.
Urban Shadows, un JDR urbain, noir et surnaturel
C’est le cas de ce jeu, Urban Shadows, membre de la famille des JDR Propulsés par l’Apocalypse ou PbtA, paru chez Magpie Games depuis 2015. Depuis une nouvelle édition est sortie, non sans difficulté, car le jeu qui devait arriver en 2021 n’est arrivé qu’en 2025. Malgré tout, ce titre indépendant a une réputation solide et même quelques récompenses à son palmarès.
Il propose aux rôlistes une plongée dans une ville contemporaine gangrenée par la corruption, les luttes de pouvoir et surtout le surnaturel. Dans Urban Shadows, le Maître de Cérémonie et les joueurs jouent surtout avec la dynamique politique de la ville. Elle est pratiquement un personnage à part, mais aussi au sein de la table : avec des alliances précaires, il n’est pas impossible que les parties finissent par du PvP.
PbtA oblige, Urban Shadows est un JDR narratif. Il s’inspire à la fois des séries comme The Wire, The Vampire Diaries ou Supernatural, mais aussi par le Monde des Ténèbres. Il ressemble à City of Mist ou Monsterheart, mais se différencie par sa narration partagée qui privilégie les manigances des factions.
Le pitch d’Urban Shadows : une ville, des factions et les Cercles surnaturels
Le cadre d’Urban Shadows, c’est une ville du style de nos grandes métropoles modernes. Comme celle de CoM, elle n’est jamais précisément nommée, mais à construire autour de la table, au fil des parties. Autant que les PJ et les PNJ, la ville est un des protagonistes du jeu, constamment influencée par les actes des personnages.
Les PJ dans le JDR Urban Shadows appartiennent à plusieurs catégories. Certains sont humains, d’autres sont des monstres, d’autres brouillent cette frontière. Tous ne survivent pas seuls : ils appartiennent à des groupes aux intérêts souvent conflictuels. Ceci se traduit en jeu par les Cercles et les Dettes.
En fonction de leur nature, les PJ appartiennent à un Cercle. Ils sont au nombre de quatre : Mortalis, Nuit, Pouvoir et Sauvage. Ainsi, les Mortalis représentent les humains qui ont connaissance de cet univers secret et qui cherchent à s’en approprier ou à s’en défendre. Ceux qui font partie du Cercle Pouvoir ont obtenu de tels pouvoirs par leurs moyens : mages, oracles,… La Nuit comprend les créatures précédemment humains, mais changés en monstres comme les vampires ou les loups-garous. Enfin, les Sauvage sont des êtres paranormaux venus d’ailleurs tels que les fées et les démons.
La valeur du Cercle s’un PJ représente sa familiarité avec celui-ci. Plus elle est élevé, plus le PJ connait ses membres, ses règles, et y possèdes des contacts avec une bonne position sociale… Elle est l’une des valeurs les plus dynamiques dans Urban Shadows et la base sur laquelle se repose son aspect de JDR politique. Chaque session, elles fluctuent en réponse aux choix des PJ, notamment par rapport aux Dettes.
Dette et Corruption : les valeurs de la progression narrative d’un PJ
Les Dettes sont une ressource qui représente un ascendant qu’un personnage a sur un autre. PJ comme PNJ peuvent en avoir envers les autres PJ et PNJ et s’en servir pour obtenir des faveurs définis. Ignorer les Dettes est possible, mais il peut avoir des impacts négatifs sur les relations du personnage avec un Cercle.
Les interactions avec les Cercles permettent l’avancement des PJ, un peu comme l’Expérience dans d’autres jeux. En plus d’améliorer les statistiques d’un personnage et d’augmenter le nombre d’options dont il dispose, ces avancements peuvent aboutir à l’une des fins possibles pour les PJ : quitter l’histoire sur une note positive. Urban Shadows implique ainsi le pilier social du JDR dans son moteur, car les joueurs ne peuvent pas rester isolés.
À l’inverse, la mauvaise fin suit une autre ligne de progression : la Corruption. En utilisant ses pouvoirs ou forcé par certaines actions spécifiques, le PJ gagne de plus en plus en puissance en échange de se corrompre. Quand il atteint un seuil critique de Corruption, le personnage quitte aussi l’histoire, mais pour revenir en tant que Menace plus tard.
Cet aspect du système d’Urban Shadows encourage un JDR où le joueur s’implique à la fois mentalement, émotionnellement et stratégiquement. Il peut décider de viser une sortie ou l’autre et n’est pas pénalisé, mais récompensé par son jeu honorable ou déshonorable. La violence demeure d’ailleurs aussi une option. Ainsi, la mort, comme le fait de quitter l’histoire, déclenche une condition unique au personnage qui va impacter significativement la scène ou l’histoire. Le Vampire, par exemple, nomme le responsable de sa fin et lance ses serviteurs à sa poursuite.
Sous le capot d’Urban Shadows : un JDR PbtA solide
En dehors de son moteur social, le système d’Urban Shadows est dans la tradition des PbtA. Chaque joueur choisit un archétype (appelé playbook), comme le Vampire, le Spectre, le Tainted ou l’Oracle. Ces livrets offrent un ensemble de caractéristiques de départ dont des valeurs des 4 Stats (Sang, Cœur, Esprit et Âme), la position au sein de son Cercle et sa connaissance des Cercles, son équipement et surtout des mouvements spécifiques.
La résolution se fait avec 2d6 + Stat avec les trois degrés pour le dénouement. L’échec, la réussite avec un coût ou la réussite complète en fonction de la valeur. En dehors des mouvements uniques aux Playbook, il existe aussi d’autres pour les Cercles, les Hubs, la Dette,… qui donnent à ce jeu plus de profondeur en comparaison à d’autres PbtA.
Contrairement à certains JDR de cette famille, Urban Shadows fonctionne aussi mieux pour des parties sur le long terme. Ainsi, idéalement, il est recommandé de jouer des campagnes d’une poignée de sessions où la Ville évolue entre elles : le MC a ainsi son petit jeu à lui tandis qu’il détermine comment la situation change en réponse aux dernières actions des personnages. Tout le monde dans ce jeu veut quelque chose et travaille pour cela, y compris hors champ.
Un jeu unique dans sa niche
Urban Shadows n’est pas un jeu pour tous. Les amateurs de donjons et de jets de dés à répétition resteront sur leur faim, car c’est une fiction politique moderne teintée de fantastique, où la parole, les dialogues et la narration importent plus que tout. Pour ceux qui veulent cette expérience en revanche, il n’y a pas à hésiter.
D’autant plus que la première édition du jeu existe en Français. Moins aboutie que la très jeune deuxième édition encore exclusivement anglophone, elle a toutefois le mérite d’inclure le système de Dettes et de Cercles qui rend ses Factions si riches. Elles sont facilement adaptables à d’autres systèmes.
