La LitRPG s’impose de plus en plus comme un nouveau genre littéraire en vogue dans le monde. À la croisée du jeu de rôle et de la littérature, entre le roman et l’actual play, il tire intelligemment profit des codes de ses deux parents pour proposer des histoires inédites.
Depuis bientôt une décennie, un nouveau genre de nouvelles est apparu sur les réseaux. En effet, aux États-Unis, en Russie, ou encore au Japon, des écrivains, amateurs et professionnels commencent à inclure des éléments de jeux de rôle dans leurs univers fictifs. Et ils font de plus en plus parler d’eux, en entrant dans le mainstream.
La caractéristique de la LitRPG : les fiches
Des nouvelles avec les codes d’un jeu de rôle
C’est la LitRPG, une contraction de Literary Role Playing Game ou littéralement jeu de rôle littéraire. Le terme serait apparu au cours des années 2010 d’après une collection de publications de nouvelles russes par l’éditeur EKSMO. Traduit par des fans pour des fans, le genre s’est vite propagé à l’étranger où il continue de prospérer dans le milieu amateur et underground via des sites spécialisés.
La marque des Literary Role Playing Game est l’inclusion des codes des jeux de rôle, papier ou jeux vidéo, dans la logique des mondes où se déroulent les récits. Ainsi, les personnages peuvent avoir des fiches complètes avec des statistiques, un inventaire, voire des classes, de l’expérience et des niveaux.
Le monde peut se baser sur un univers préétabli ou unique au récit, mais il repose toujours sur des mécaniques inspirées de jeux. Par exemple, même si L’Honneur des Voleurs prend place dans les Royaumes Oubliés et fait référence aux compétences des personnages de Donjons & Dragons, il ne s’agit pas d’une œuvre de LitRPG. En revanche, la série Overlord s’y inscrit totalement en explicitant les fiches dans les pages du light novel. En fait, de nombreux isekai s’avèrent être des jeux de rôle littéraires.

Les trois niveaux de LitRPG
En fonction de la présence de ces éléments de JDR, l’auteur Seth Ring compte trois catégories de LitRPG. Il y a ceux riches en statistiques, ceux légers en statistiques et enfin, ceux qui n’incluent pas de statistiques. Les premiers sont ceux auxquels on pense le plus souvent quand il est question de jeu de rôle littéraire. Ils sont nés et se sont popularisés avec ces publications d’EKSMO et en général ils incluent les fiches des personnages dans le roman.
Toujours selon Seth Ring, l’évolution vers les nouvelles légères en statistiques est venue avec la popularisation du format audiobook et ses contraintes. Les fiches complexes sont difficiles à présenter de manière intéressante à l’oral. Ainsi, les auteurs ont adapté leur travail en incluant moins de nombres et moins de mentions des nombres jusqu’à arriver à leur usage implicite dans les nouvelles sans systèmes.
Une œuvre aussi vieille que le jeu de rôle :
D’Andre Norton, pionnière de la LitRPG, et Jumanji…
Cependant, comme la fantasy n’a pas attendu Tolkien pour exister, la LitRPG Game est antérieure à ces publications des années 2010. Leurs prédécesseurs sont rétroactivement entrés dans la définition, à commencer par le premier, un récit presque aussi vieux que le jeu de rôle : Quag Keep.

Quag Keep met en scène des joueurs qui partent à l’aventure dans le monde de Greyhawk, le monde de Gary Gygax. L’auteure, Andre Norton, figurait parmi ses joueurs. La suite de Quag Keep, Return to Quag Keep, n’a été achevée qu’en 2006 par Jean Rabe. Une publication à titre posthume, Norton étant décédée en 2005. D’autres œuvres antérieures comme Jumanji ont aussi été qualifiées de Litterary RPG après la codification du terme, conduisant à la définition d’un autre sous-genre, la GameLit.
La nuance entre LitRPG et GameLit réside dans l’usage des éléments ludiques du monde par l’auteur. Ainsi, pour certains membres de la communauté des jeux de rôle littéraire, on ne peut pas inclure dans le genre des œuvres qui ne mettent pas explicitement en avant la progression du personnage principal via les mécaniques du jeu.
Cette progression se faisait d’abord comme dans les jeux qui ont inspiré le genre, Donjons & Dragons et ses descendants. On suivait donc des protagonistes à travers l’exploration de donjons ou des combats contre des boss qui résultaient en gains d’expérience et de niveaux. Dungeon Crawl Carl est la référence actuelle de ce genre « Dungeon Core ».
… Aux Isekai avec des protagonistes surpuissants…
Mais plus tard, l’un des tropes qui sont devenus populaires dans le genre, c’est le protagoniste surpuissant, inspiré du genre shonen. Récemment donc, c’est surtout du côté des mangas et des animés que cette tendance s’est vue avec de la LitRPG teinté de Power Fantasy montrant un héro qui d’une manière ou d’une autre surpasse les limites du jeu : c’est le cas de Ainz Al Gown dans Overlord, mais aussi Sung Jin Woo de Solo Levelling et John de Battle Mage Farmer.
Cette liste met d’ailleurs en avant l’universalité du genre. En dehors des premières œuvres russes, les japonais, les coréens et les américains se sont emparés du genre afin de raconter leurs récits. Les deux pays asiatiques, notamment, ont connu un succès phénoménal en combinant le genre avec celui de l’Isekai, ou littéralement « autre monde ».
Techniquement, Quag Keep et Jumanji comptent déjà comme des Isekai. Mais le mot en lui-même s’est popularisé avec la popularité d’œuvres comme Sword Art Online où les protagonistes se retrouvent transportés dans un autre monde, souvent celui de leurs jeux favoris. Là, ils profitent de leurs connaissances des mécaniques pour gagner en puissance. Tous les isekai ne sont pas des LitRPG et inversement, mais ces genres se croisent de plus en plus souvent récemment.
… et vers la diversification et l’ouverture mainstream de la LitRPG
D’ailleurs, l’isekai/shonen n’est pas le seul genre qui prend de plus en plus d’ampleur. Certains auteurs américains et européens expérimentent aussi avec le cozy et le slice of life. On trouve ainsi de plus en plus d’ouvrages où il est moins question de combats et d’exploration au profit de la vie de tous les jours dans ces autres mondes.
En 2025, la LitRPG commence à sortir de sa niche. Les premières œuvres des amateurs continuent de rassembler leurs communautés sur Whattpad tandis que d’autres percent dans l’édition professionnelle : Dungeon Crawl Carl sort en édition physique depuis 2020, de même que Primal Hunter. Les droits d’adaptation de ces derniers ont aussi été acquis par des studios : on entrera prochainement dans l’ère des CinéRPG.