Petits barbus teigneux, les nains ont traversé les âges pour conquérir la fantasy. Il va sans dire qu’ils s’y sont creusé un trou permanent.
Souvent présentés comme les opposés des elfes, grands, blonds et habitants des forêts, les nains sont des icônes de la med-fan. Bien que l’œuvre de Tolkien ait cimenté leur place et leur représentation dans la fiction, ils possèdent une histoire riche de plusieurs siècles.
Nains, elfes, fées, tous les mêmes avant la fantasy
Avant le Seigneur des Anneaux et la fantasy moderne donc, on trouvait déjà les nains dans des récits mythologiques germaniques. Ce sont par exemple des nains qui ont forgé Gungnir, la lance du dieu Odin. Cependant, ils n’avaient alors pas forcément l’image que l’on a d’eux à présent et ils se mélangeaient à d’autres créatures, cette fois, les elfes noirs (ou drow chez DnD).
Des traditions germaniques, les nains passeront ensuite aux récits du Moyen-âge. Ils y tenaient le rôle tantôt d’opposants et tantôt d’alliés aux héros chrétiens (comme les chevaliers d’Arthur ou les paladins de Charlemagne). Et en dix siècles, les auteurs à travers l’Europe ont varié leurs représentations des nains.
Par conséquent, ils n’ont pas d’attributs communs. Certains vont donc parfois jusqu’à en faire des êtres similaires en taille aux hommes ou même des géants. Le temps a aussi conduit à l’évolution de certains personnages tels Oberon. D’abord un nain, c’est plutôt sa nature féérique, popularisée par Shakespeare, que retiendra la fantasy.
L’apparition du petit guerrier trapu, de Tolkien…
Et comme toujours, c’est ici que l’on retrouve nos auteurs modernes à commencer par Tolkien. Il pioche dans les récits avant lui, prenant certains attributs déjà présents et va les donner à ses peuples nains. Gimli et les siens vont alors devenir la référence chez bon nombre d’auteurs qui suivront.
Ainsi, on assiste à la naissance du nain de la fantasy. Généralement, il est trapu et disgracieux, à l’apparence masculine. Il est l’exact opposé de l’elfe avec qui il ne s’entend guère. Et si celui-ci, armé de son arc, vit dans les forêts, le nain préfère les grottes ou la montagne où avec sa pioche et son marteau, il travaille dans la mine ou la forge… Avant de boire et parfois de se bagarrer avec ses confrères.
… Aux médias ludiques modernes
Grâce à cette caractérisation bien claire, le nain se trouve sa place dans les médias modernes. Dans les jeux de rôle, le nain prend ainsi un rôle de guerrier en armure lourde que son apparence trapue complimente très bien. Dans DnD, comme dans bon nombre d’autres JDR de medfan, il est fait pour aller au front et rentrer dans la mêlée. Avec sa robustesse, il prendra les coups pour ses alliés plus fragiles.
Cependant, le nain est aussi la créature de fantasy qui se modernise le plus. En effet, de son travail à la mine et à la forge, il n’y a qu’un pas à franchir pour en faire des inventeurs hors pair. Mes exemples de rencontre avec des nains de ce genre incluent les dwemers de la série des Elder Scrolls ou encore le nain du DLC Underworld du jeu Sacred. Ils introduisent des éléments quasi steampunk dans ces mondes d’inspiration clairement médiévale.
Comme pour l’elfe qui peut être oppresseur ou oppressé, le nain a aussi des représentations paradoxales à cette image commune. Celle-ci a été popularisée dès la fin du XIXe siècle. En effet, du fait de son rôle secondaire dans les récits médiévaux et de son ancrage dans la nature, le nain prend parfois la même place que les autres créatures du folklore. Il devient une représentation des valeurs, de la magie, qui se perdent avec l’industrialisation.
Les nains, les plus humains des non-humains dans la fantasy ?
Mais le nain, c’est aussi à mon sens le plus « humain » des races de fantasy. Là où l’elfe est souvent idéalisé et l’orc diabolisé, le nain présente à la fois des bons et des mauvais côtés comme chez les hommes. De plus, puisqu’il leur ressemble physiquement, il ne fait pas souvent l’objet du racisme.
Ainsi, on leur attache les attributs du bon travailleur issu des classes populaires, comme dans le cas de Shadowrun. Ils y sont favorisés comme des employés doués et consciencieux dans leur artisanat. Unis et braves, ils représentent bien le petit peuple depuis les roturiers du Moyen-âge aux prolétaires et paysans du début du XXe siècle.
Toutefois, les nains ont presque systématiquement toujours le même défaut : l’avarice. L’appât du gain est généralement le seul motif qui pourrait pousser un nain à partir à l’aventure dans le monde d’Arcanum. Mais c’est celle-ci qui perd Bruenor dans les Légendes de Drizzt et qui fait que le peuple de Gimli tombe sur le Balrog. D’ailleurs, l’affinité des nains pour le sol va plus loin. Dans certaines versions les auteurs les rendent capables de détecter des passages secrets… ou des minerais précieux.
Il n’en fallait pas plus pour que le nain devienne parfois la caricature d’un « autre » : le Juif. Et pour le coup, contrairement au cas des orcs, même Tolkien fait le parallèle entre les nains dans son univers de fantasy et les Juifs, quoiqu’il n’y ait pas là de malice. Sa comparaison se limitant à montrer les nains comme des êtres venus d’ailleurs et qui vivent au sein d’un autre groupe.
Des nains classiques et des nains spécifiques
Cette caractérisation comme un peuple distant, les nains la gardent encore à présent dans certains œuvres de la fantasy et le jeu de rôle. Dans Warhammer Fantasy, par exemple, ils vivent pratiquement à la limite du monde du Vieux Monde, dans des montagnes où ils pratiquent leurs arts métallurgiques. Dans un registre plus léger, Naheulbeuk nous présente aussi les nains comme des travailleurs infatigables sous leur montagne où ils ne fréquentent pas les autres peuples.
Toutefois, pour moi, une représentation se démarque du fait qu’elle parvient presque à combiner tous les archétypes des nains ou, du moins, ne reprend pas les stéréotypes communs. Je les ai déjà mentionnés plus haut : les dwemers dans la série des The Elder Scrolls. Ici, pas de petits barbus armés de haches, les nains de ce monde sont littéralement les « elfes des profondeurs ».
Physiquement similaires aux autres elfes, ils ne respectaient pas leurs divinités. Ils développent ainsi des sociétés technologiquement avancées, mais finissent par disparaître suite à un événement mystérieux. L’avarice des dwemers, elle est pour la connaissance et ce faisant, ils subissent un sort similaire au peuple de l’Atlantide. Ils laissent derrière eux leurs cités où patrouillent toujours leurs automates.