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Fate Core, un JDR à monter soi-même

Fate Core, un JDR pour tout

Fate Core est un JDR remarquable par son ambivalence. Son système générique, mais profond, fait qu’il en devient un paradoxe.

La création d’un jeu de rôle constitue un travail long et laborieux. Entre autres, il faut assurer la mise en place d’un univers et la conception de règles mécaniques appropriées. De ce fait, les meilleurs se démarquent par leur aptitude à harmoniser ces aspects : Donjons & Dragons, l’Appel de Cthulhu,…. Ils se limitent cependant dans leur ton et leur monde qu’ils maîtrisent parfaitement.

De Fudge à Fate Core, l’évolution d’un JDR universel

C’est sur ce plan que les systèmes génériques se démarquent. En échange de ne pas avoir de cadre défini, ils gagnent en flexibilité. Aussi, si tous les jeux peuvent bien sûr être adaptés à coup de règles maison, les systèmes génériques sont faits, voire nécessitent un tel traitement pour être utilisés.

Fate Core est un exemple de ces systèmes de JDR génériques. Aux côtés d’autres comme le système Propulsé par l’Apocalypse ou le système universel de Chaosium, il est probablement le plus célèbre du genre.

Historiquement, il est l’héritier d’un autre jeu des années 90, Fudge publié par Grey Ghost Games. Cet acronyme résume tout : « Freeform Universal Do-it-Yourself Gaming Engine », il est pensé pour être un jeu à monter soi-même. Ainsi, le système en lui-même ne propose qu’une poignée de règles de bases dont celles des jets et tout ce qui les entoure.

D’abord connu sous le nom de FATE, « Fantastic Adventures in Tabletop Entertainment » au début des années 2000, la gamme a, depuis une décennie, abandonné ce nom. À présent, simplement nommé Fate Core, il constitue la troisième édition de ce JDR. Evil Hat Production gère Fate et ses nombreux ouvrages supplémentaires.   

Le système de base de Fate Core

Les dés Fudge

Fudge a introduit un système qualitatif dans l’univers des jeux de rôle. C’est-à-dire que face à la dépendance des rôlistes aux valeurs, il propose plutôt un principe d’échelle. Un adjectif correspond donc à une valeur. Ainsi, si les nombres n’ont pas totalement disparu, ils ne figurent plus, par exemple, sur les dés.

Fudge, et plus tard Fate Core, emploient des dés particuliers par rapport aux autres JDR. Ces dés à 6 faces ont trois résultats possibles : deux faces blanches, deux marqués d’un plus (+) et deux d’un moins (— ). Respectivement, ils représentent 0, +1 et -1.

Lorsqu’un joueur doit faire un jet, il utilise quatre de ces dés (4 dF). Les résultats sont additionnés à ceux d’autres modificateurs applicables, comme les caractéristiques, et surtout les aspects pour déterminer l’issue de l’action.

Les aspects, l’âme du JDR Fate Core

Les aspects constituent la plus grande innovation de Fate Core en termes de mécanique de JDR. Il s’agit d’un principe de mots-clés qui, d’une part, apportent des avantages mécaniques aux personnages et, d’autre part, font le lien entre narration et mécanique.

Pour illustrer, comparé à avoir 70 % en armes de jet dans CoC ou 5 niveaux de rôdeur dans DnD, un PJ de Fate aurait un aspect « tireur aguerri » ou similaire… C’est le joueur qui définit cette phrase pour décrire son personnage ! Il ne s’agit pas de la seule application des aspects.

Ils s’utilisent aussi pour décrire l’univers, au niveau de l’environnement géographique, du contexte social, et bien d’autres. De ce fait, si l’action se déroule dans un entrepôt en désordre, en feu où des gangsters échangent des coups de feu, des aspects tels « containers renversés », « murs de flammes » et « balles perdues » vont décrire la situation. Les actions font évoluer les aspects.

Cet exemple illustre aussi une particularité des aspects du JDR Core Fate. Ils ne sont ni nécessairement positifs, ni nécessairement négatifs. En fait, ils peuvent souvent être utilisés pour assister ou gêner les personnages selon comment on les utilise narrativement.

L’économie des points Fate   

Faire appel aux aspects influents généralement sur une monnaie, les points de destin (points Fate). Idéalement, des jetons représentent la quantité de points dont chacun dispose à un moment donné. D’un côté, invoquer un aspect pour en profiter (+2) face à une situation coûte un point Fate.

Par opposition, d’un autre côté, accepter d’en considérer un comme une contrainte rapporte un point Fate. Il y a donc intérêt à avoir la possibilité d’avoir un côté négatif aux aspects d’un personnage. Les complications facilitent la narration tout en la dynamisant puisqu’elles aident les joueurs et le meneur à faire avancer l’histoire.

Les points interviennent aussi pour une des nombreuses mécaniques de personnalisation qui séparent Fate Core des autres JDR. On les appelle prouesses et elles différencient un PJ des autres en modifiant comment il peut utiliser ses compétences. Le joueur, en accord avec le meneur, détermine les conditions, les effets et les limites d’une prouesse.

Et elles peuvent faire bien plus que de donner un +1 à un jet ! De permettre à un personnage d’attaquer avec une compétence qui n’est pas prévue à cet effet à une action de combat inédite, les possibilités sont quasi-infinies.

Les conflits de Fate Core, uniques dans les JDR

En parlant de combats, Fate Core « brise » quelques règles du JDR. Fidèle à son postulat de départ, il abandonne les nombres pour la santé et la distance durant les conflits.

Il n’y a pas de points de vie, mais à la place des barres de stress. Elles se remplissent au fil des assauts et peuvent résulter sur des conséquences plus ou moins permanentes. Une offensive peut tout aussi bien se faire contre le corps que le mental d’un adversaire.

Quand on parle de déplacements et de portées dans les jeux de rôle, on tend à mesurer la distance entre les minis sur une carte. Dans Fate Core, on divise plus ou moins arbitrairement celle-ci en zones. Chaque zone peut ensuite se différencier des autres grâce à ses aspects, ajoutant une réelle touche de stratégie à ce jeu principalement narratif.

Les plus et les moins de Fate

Fate Core : un JDR aux mécaniques uniques…

Ces petites touches, et surtout la possibilité de tisser des liens entre elles, peut rendre chaque partie mémorable. Et avec un petit travail de design, on peut faire de chaque jeu Fate Core un JDR unique. Par ailleurs, Evil Hat propose plusieurs ouvrages boîtes à outils pour donner des illustrations de mécaniques uniques.

C’est probablement la meilleure manière de voir ce jeu de rôle. Plus qu’un jeu clé en main, il est une base fonctionnelle pour faire un système sur mesure pour l’univers, les attentes et les nécessités de chaque table. D’ailleurs, le livre de base peut être téléchargé gratuitement sur le site d’Evil Hat.

Cette notion peut être un peu abstraite, alors voici une sélection de deux mécaniques proposées sur les sites officiels avec l’autorisation de leurs créateurs.

« Very large monsters » permet d’utiliser des créatures titanesques. Pour ce faire, le créateur propose de considérer les différentes parties du monstre comme des zones sur une carte. Non seulement les PJ peuvent se déplacer sur la créature, mais il permet de créer une dynamique similaire à celle des « action-oriented creatures » de Colville.

L’ouvrage « Gods and Monsters » propose de jouer des divinités dans un âge reculé de l’humanité. En plus des diverses mécaniques liées au statut céleste (bénédictions, etc.), il met en avant le système de stress et de conséquences. Fate Core est un JDR où les PJ peuvent être immortels sans casser le jeu.        

… voire trop uniques ?

Cependant, il faut se rendre à l’évidence d’un problème. Paradoxalement, en étant si flexible et si libre en permettant aux joueurs de faire « ce qu’ils veulent », Fate en devient un système difficile à approcher pour certains. En particulier dans un monde où, à travers les jeux vidéo et Donjons & Dragons, on s’attend à trouver quelques repères standards dans les jeux de rôle.

Hormis le cas des points de vie, un exemple qui revient est la magie. Fate Core n’a pas de système de magie dédié comme de nombreux JDR, le meneur (et ses joueurs) doit concevoir leurs propres mécaniques pour gérer la magie. En faire une compétence ? Demander d’avoir un aspect ? En faire une action à part ? Créer ou emprunter un système de règles uniques appelé « Extra » ?

En lisant les forums ou en regardant des actual play, on peut aussi constater que Fate Core fonctionne mieux avec des joueurs plus actifs que réactifs. Des joueurs imaginatifs pour profiter des aspects, prêts à exposer leurs PJ aux dangers… Une phrase de Dungeon Masterpiece qui résume l’état d’esprit idéal : « moins la narration d’un personnage est poignante, moins il a de chances de succès. »   

Fate Core sur Internet : une niche bien vivante

Heureusement, Fate reste un jeu très populaire malgré les années. Grâce à cela, il a toujours une communauté très active. Ainsi, les curieux peuvent facilement trouver de l’aide, qu’ils soient des nouveaux venus à la recherche de tutoriels pour comprendre les règles ou de suggestions pour concevoir les leurs.

Fate existe aussi dans des versions avec des règles condensées et accélérées pour découvrir les bases du jeu. Un bon moyen de décider si Fate Core est un JDR pour votre table avant d’aller plus loin et d’investir dans le livret de base ou ses nombreux descendants : Dresden Files, Venture City, Fate of Cthulhu,….

Et pour finir, les différents VTT célèbres comme Foundry et Roll20 possèdent déjà des options pour jouer à Fate. Discord et Google Meet disposent aussi de plug-ins spécialisés pour les jets de 4 dF. À essayer, à découvrir, peut-être que Fate Core est votre prochain coup de cœur JDR. Il l’a été pour beaucoup aux Ennies de 2014 !

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