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L’alignement dans les jeux de rôle, limites ou opportunités ?

L'alignement, un vecteur de conflits dans les jeux de rôle

L’alignement dans les jeux de rôle se trouve dans une étrange situation. Parmi tous les éléments originels, il constitue un peu leur mouton noir.

Lorsque Gary Gygax a défini les mécaniques de base du premier JDR, il a inventé de nombreux systèmes. Ceux-ci sont restés à la base, non seulement de Donjons & Dragons, mais de la fantasy, voire de la fiction en général. Toutefois, au fil de l’évolution du hobby, certains ont été remis en question.

L’alignement dans la fiction et les jeux de rôle

L’usage du terme de « race » en est l’exemple le plus connu dans les jeux de rôle, mais il existe aussi le cas de l’alignement. À la fois guide narratif et mécanique, cet élément fait partie des plus controversés. Ainsi, appréciée par certains, détestée par d’autres, sa place a plus que diminué dans la cinquième incarnation de DnD. Pourquoi ? Et y-a-il un avenir pour ce concept ?

Mais d’abord, il est essentiel de comprendre ce qu’est l’alignement dans les jeux de rôle. Il s’agit d’une échelle de classification qui caractérise chaque personnage en fonction de sa personnalité. Ainsi, qu’il soit PJ ou PNJ, humain, elfe, vampire, dragon, ou autre, cette appartenance permet d’avoir une idée de son comportement.

Aux origines, dans la première édition de Gygax, il y avait trois possibilités d’alignement : loyal, neutre ou chaotique. Elle définit l’éthique du personnage. Par la suite, avec AD&D, une seconde valeur a fait son apparition, la morale : l’axe bon, neutre ou mauvais. En fonction de la combinaison de ces deux facteurs, on a 9 résultats possibles pour un individu, écrits sous la forme Loyal-Bon ou LB, par exemple.

C’est cette version qui est la plus connue et reconnaissable. En effet, elle est non seulement utilisée par la 5e édition du JDR mythique, mais elle est aussi pratiquement devenue un élément de pop culture. Au travers des memes notamment, mais aussi pour les débats quant à l’alignement d’un personnage, y compris hors des jeux de rôle.

Les 9 types d’alignement

L’axe éthique

L’axe éthique reflète la relation de l’individu vis-à-vis des règles de la société.

Les alignements loyaux sont Loyal-Bon (LB), Loyal-Neutre (LN) et Loyal-Mauvais (LM). Ils ont en commun de valoriser l’ordre et la structure institutionnelle. En conséquence, ils privilégient l’obéissance aux lois et la hiérarchie pour arriver à leurs fins.

Les alignements chaotiques, en revanche, mettent en avant la liberté. Qu’il soit Chaotique-Bon (CB), Chaotique-Neutre (CN) ou Chaotique-Mauvais (CM), le personnage obéit avant tout à ses règles personnelles ou ses désirs.

 Les alignements neutres, enfin, privilégient l’équilibre. De ce fait, un individu Neutre-Bon (NB), Neutre (N) ou Neutre-Mauvais (NM) peut suivre les lois ou non, du moment qu’il peut accomplir ses desseins qu’ils soient bons, mauvais ou gris.

L’axe moral

La question du rapport de soi à l’autre constitue l’axe moral de l’alignement dans les jeux de rôle. Ainsi, les Bons chercheront avant tout le bien commun ou du moins privilégieront autrui avant leur personne. Par opposition, les Mauvais peuvent activement nuire aux autres pour leur propre compte. Les Neutres sont plus détachés : leurs actions ne visent ni à aider ni à gêner qui que ce soit.    

L’alignement Bon, un choix évident en JDR

Loyal-Bon : Un personnage altruiste qui respecte les lois. Il respecte aussi sa parole, le code de l’honneur, la justice. En somme, il est une caricature du chevalier idéal ou du héros de conte de fée. D’ailleurs, il fût un temps où les paladins ne pouvaient qu’être LB.

Neutre-Bon : Comme son homologue loyal, il lutte pour la bonne cause. À la différence de celui-ci, cependant, il ne reste dans la légalité que s’il juge que c’est ainsi qu’il pourra faire le plus de bien. En fonction de la situation donc, ce Zorro pouvait être du bon côté ou non de la loi.

Chaotique-Bon : Le rebelle qui fait le mieux indépendamment des règles en place. Il fait ce que bon lui semble du moment que le résultat final est le bien commun. Ils sont l’image à laquelle on pense quand on évoque des personnages du style de Robin de Bois.

L’alignement Bon est généralement apprécié dans les parties de jeux de rôle. Alignement de la majorité des protagonistes, ces personnages font automatiquement de bons aventuriers qui n’ont pas de mal à justifier de travailler ensemble ou de s’investir dans les problèmes des PNJ (et donc, à accepter les quêtes). 

L’alignement Neutre, un favori des joueurs

Loyal-Neutre : L’ultime serviteur de la loi, de l’ordre et de la hiérarchie. Il les considère comme absolues et ils priment sur les notions de bien et de mal. Un personnage qui travaille pour une organisation ou un état, du style de James Bond ou Judge Dredd est généralement LN.

Neutre : Aussi appelés True-Neutral, ils sont les plus détachés de tous les personnages. Ceci peut-être à cause de l’indécision, ils privilégient un côté ou l’autre, mais sans faire preuve d’assez de conviction. Alternativement, ils ont fait ce choix à la recherche de l’équilibre ou par rejet des extrêmes.

Chaotique-Neutre : Une version plus active des précédents, les CN sont des électrons libres. Ils font ce dont ils ont envie, mais sans un réel objectif moral, ils ne le font ni pour aider les autres ni pour les faire souffrir. Jack Sparrow est pratiquement devenu le visage de cet archétype.

La liberté qu’elles offrent fait que les différentes nuances de l’alignement Neutre sont aussi prisées des joueurs pour les jeux de rôle. En effet, elles permettent aux PJ de faire certaines actions moralement répréhensibles, mais peut-être nécessaires : voler de l’équipement par exemple.

L’alignement Mauvais, le mouton noir des jeux de rôle

Loyal-Mauvais : En général, l’alignement des tyrans. Ils apprécient autant la hiérarchie que les LB et LN, mais en faisant cela, ils n’ont aucun scrupule à porter préjudice aux autres. Qu’ils dirigent ou qu’ils servent dans cet ordre, il leur arrive d’avoir un code de conduite. Darth Vador en est le représentant le plus connu.

Neutre-Mauvais : Comme les NB, ces personnages tendent à respecter les lois pour les briser de temps à autre. La différence étant qu’ils le font pour leur propre compte et ils n’ont pas autant de retenue que les LM, mais ne sont pas aussi destructeurs que les CM.

Chaotique-Mauvais : Des vilains par excellence, ils ne cherchent qu’à activement aller contre l’ordre et le bien. Ils peuvent d’ailleurs se retourner contre leurs supérieurs s’ils sont membres d’une hiérarchie. Le Joker reste l’exemple type du CM.

En raison de ce qu’ils impliquent, les nuances de l’alignement Mauvais se retrouvent peu parmi les PJ dans les jeux de rôle. En fait, elles souffrent d’avoir longtemps servi d’excuse aux mauvais comportements (« C’est ce que mon personnage ferait »). Ceci explique en partie l’interdiction de cet alignement et pourquoi beaucoup ont abandonné cette mécanique dans leurs règles maison. Mais pas seulement !

Pour des alignements plus intéressants dans les jeux de rôles

Un système statique et archaïque

On évoquait au début l’évolution des jeux de rôles qui a conduit à la controverse autour des alignements au même titre que les races. C’est parce qu’ils souffrent du même problème : enfermer des groupes entiers dans des stéréotypes. Ils faisaient de certains êtres des créatures naturellement mauvaises. Les Drows, par exemple, devaient toujours être mauvais d’où la nature exceptionnelle de Drizzt.

Pour autant, l’alignement peut encore avoir sa place dans le monde des jeux de rôle. Certains JDR proposent des mécaniques pour le rendre significatif à la partie comme ceux qui adaptent la franchise Star Wars (pour les Côtés de la Force) ou le Seigneur des Anneaux (l’espoir et l’ombre).

Ils illustrent aussi un changement nécessaire pour le système : le besoin d’insérer de la dynamique. En effet, d’une certaine manière, l’alignement est statique, d’ailleurs, il fut un temps où en changer pénalisait le personnage ! Grâce à une mécanique adaptée et une échelle bien visible, les joueurs peuvent suivre l’évolution de leurs PJ au fur et à mesure.

Ceci n’aurait toutefois pas beaucoup d’intérêt sans d’autres intégrations de l’alignement dans les jeux de rôle. Et c’est malheureusement un aspect sur lequel beaucoup de meneurs et de compagnies ont du mal. Un problème qui se voit surtout dans les jeux vidéo où les choix Chaotiques et Mauvais tendent plus à punir le joueur qu’à réellement être des routes alternatives.

L’alignement, un vecteur idéologique dans les jeux de rôle

Un meilleur exemple serait la franchise Shin Megami Tensei qui tourne autour du combat idéologique entre la Loi et le Chaos. Elle montre à la fois le potentiel des alignements et le besoin de les nuancer.

Ainsi, qu’un PJ décide d’être Loyal, Neutre ou Chaotique, il doit trouver son compte parmi les PNJ intéressants, les récompenses exclusives et les défis uniques. Pour ce faire, le ton général doit toutefois être gris, encensant et dénonçant chaque alignement. Un exercice difficile dont la réussite est inégale d’un jeu à l’autre, mais, réussie dans l’ensemble.

Pour les jeux de rôle, cela veut dire introduire des conflits pertinents et des récompenses pour l’alignement de chaque PJ. Il ne faut pas nécessairement aller jusqu’à les obliger à en changer. Quelques exemples : pour le LB pourrait questionner s’il privilégie plus l’un ou l’autre, le N trouvera-t-il une conviction au-dessus de lui, le CM peut-il réaliser l’horreur de ses actes ? Tout autant d’interactions possibles entre les PJ et avec les PNJ.

L’alignement est donc un condiment subtil dans les jeux de rôle. Elle permet de donner une valeur à un caractère abstrait, guidant à la fois les joueurs et le meneur sur le passé, le présent et l’avenir du personnage. Elle ne doit toutefois pas primer sur le roleplay et l’amusement, en particulier parce qu’elle complexifie beaucoup les relations au sein du groupe.

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