Les systèmes de résolution constituent une part intégrante des jeux de rôle. Ils sont aussi témoins de leur richesse.
Les JDR sont les héritiers des wargames. Comparés à ceux-ci, ils intègrent une plus grande part de narration qui peut aller d’une poignée de phrases à une saga en plusieurs volumes. Mais dans ces deux cas, ils gardent un ensemble de mécaniques caractéristiques pour faire fonctionner cette machine.
Les rouages dans les jeux de rôle : les dés et les autres
Ces systèmes de résolution sont principalement une manière d’introduire une dose d’incertitude et/ou de stratégie dans les jeux de rôle. Sans eux, un JDR reviendrait pratiquement à un roman glorifié où l’histoire suivrait les rails posés par l’écrivain. Ici, il s’agirait du groupe constitué par les joueurs et le meneur à la table.
La forme la plus connue de ces mécaniques et d’ailleurs la plus répandue se constitue des lancers de dés. En effet, objet ludique omniprésent à travers l’histoire des jeux, l’utilisation des polyèdres numérotés a été le premier outil à être intégrée dans les jeux de rôle. Plus précisément, Gary Gygax s’est inspiré de ceux des wargames cités plus hauts pour mettre au point ceux de Donjons & Dragons mais a abandonné le d6.
Puisque la chance avait son importance pour le premier des meneurs de jeu, il a choisi le dé à 20 faces pour l’incarner. Encore aujourd’hui, le d20 représente toujours un symbole pour les rôlistes et est le plus reconnaissable parmi le set des 7 dés.
Cependant, ces derniers explorent et théorisent des alternatives. En particulier durant les âges d’or où les jeux de rôle sont suffisamment populaires pour permettre de trouver un public intéressé par ces expérimentations. Le nombre de dés, leur nombre de faces, leur application… ont leur importance dans le choix des systèmes de résolution. Certains abandonnent même les dés.
Les systèmes de résolution basés sur les dés
On peut donc distinguer les jeux qui emploient des dés et les autres. Ces premiers ne sont pas identiques. En conséquence, on peut généralement classifier les systèmes en fonction du nombre de dés nécessaires lors de la résolution.
Les systèmes linéaires, la partie visible de l’iceberg
Premièrement, il existe les systèmes qui requièrent un nombre statique de dés et eux même se divisent encore en deux autres catégories. D’un côté, il y a ceux qui emploient un unique dé et de l’autre ceux qui reposent sur plusieurs.
Les systèmes qui appliquent une résolution à travers un unique dé comptent par exemple le système d20 de DnD ou celui à d100 des jeux Chaosium. Ils sont généralement simples à comprendre puisqu’il faut fixer un nombre pour représenter la difficulté, jeter le dé et comparer le résultat avec la cible.
En fonction des mécaniques, la manière de déterminer la réussite diffère. Ainsi, dans DnD et Pathfinder, on vise à faire plus que la cible, ce qui est renforcé par l’addition d’un modificateur (généralement une représentation de l’aptitude du personnage à exécuter cette tâche) au résultat. En comparaison, le d100 vise en dessous de la cible puisqu’il se lit comme un pourcentage de chance de réussir.
Comme on peut le voir, ces systèmes de résolution sont très intuitifs. Cependant, mathématiquement, chaque face du dé à la même chance de sortir.
Un personnage de DnD a 5 % de chance de faire 1 comme de faire 20, ce qui est très imprévisible et ne représente pas fidèlement l’aptitude du personnage… jusqu’à ce qu’on cumule les modificateurs. Une fois qu’on arrive au niveau des -10 ou des +15, ils éclipsent purement le jet.
Les systèmes de résolution à courbe
Les systèmes qui emploient plusieurs dés évitent ce dernier point en particulier. Généralement, ça veut dire utiliser deux ou trois dés de mêmes valeurs et dont les résultats sont additionnés. En conséquence, on peut avoir 2d6 comme dans les jeux Propulsés par l’Apocalypse.
Cette méthode produit une courbe au niveau des probabilités : un lancer de 2d6 a plus de chances de produire un 7 qu’un 5 ou un 9. Le meneur peut estimer que faire plus que 6 constitue une bonne moyenne pour représenter une tâche ordinaire et les extrêmes, 2 et 12 sont particulièrement rares.
De plus, cette courbe donne de la valeur à de petits modificateurs. Une fourchette allant de -2 à + 2 suffit à marquer la différence entre les niveaux de compétence des personnages dans ces systèmes de résolution. Cependant, cette marge en devient très restreinte et ne reflète plus clairement l’écart des aptitudes.
Alternativement, afin de l’accentuer, une variante de ces mécaniques utilise un ou deux dés, mais dont la taille évolue. Ainsi, un personnage peu compétent dans un domaine utilise un d4 tandis que le meilleur a un d12. Les jeux dont les systèmes de résolution se basent sur Savage Worlds constituent des exemples de cette catégorie.
Cependant, cette approche impose un autre exercice d’équilibriste aux meneurs et aux designers afin de mesurer la difficulté d’une tâche. En effet, sans compter les éventuels modificateurs, cette mécanique empêcherait purement et simplement les personnages d’atteindre certaines valeurs. Il nécessite aussi d’investir dans une variété de dés, mais moins que pour les systèmes à « pool » de dés.
Les mécaniques aux dés dynamiques
Réussites ou addition, deux systèmes de résolution
C’est sous ce nom, « dice pool », que se trouve la deuxième catégorie des systèmes de résolution à dés dynamiques. Contrairement au dernier exemple, ils ne changent pas la taille, mais le nombre de dés qu’un joueur lance. Dans ces jeux, ce sera n dés où n correspond à la caractéristique du personnage, nd10 dans les mécaniques des jeux du Monde des Ténèbres par exemple.
Deux écoles existent aussi dans ce camp. D’une part, ceux justement comme les gammes de White Wolf, qui comptent en fait le nombre de succès. Chez eux, chaque dé qui fait un 8 ou plus donne un succès et il en faut atteindre un certain nombre pour réussir l’action. Cette approche évite d’avoir à faire énormément de calcul tout en marquant nettement les différences d’aptitude.
D’autre part, il y a les systèmes comme la Légende des 5 Anneaux qui ne craignent pas les maths et additionnent les résultats à la résolution. Bien qu’un peu plus lourd, cette méthode gagne en souplesse pour assigner des modificateurs…. Ainsi que la satisfaction de voir de grands nombres ! En particulier quand la différence avec la cible contribue à avoir des bonus mécaniques.
Des mécaniques à dice pool originaux
Certains jeux trouvent aussi leurs manières uniques d’utiliser cette poignée de dés. Fate Core rentre en quelque sorte dans cette sous-catégorie puisque les aptitudes assignent le nombre de dés, à la différence que ses dés n’ont que trois résultats possibles -1, 0 et +1.
Dans la deuxième édition de la Septième Mer, il faut combiner les dés pour faire un maximum de 10 qui correspondent chacun à une réussite pour la scène à venir. Cette approche vise à éviter les systèmes de résolution qui perturbent le rythme de la partie.
Les jeux qui fonctionnent avec le système de Blades in the Dark mesurent directement le degré de succès sur les d6. Candela Obscura en est un exemple. On ne garde que le résultat le plus haut, faire au moins un 6 donne un succès, 4 ou 5, un succès à un prix et 3 ou moins, un échec.
Les résolutions sans dé, des systèmes pionniers
Les autres jeux dans les systèmes de résolution
Plus tard, d’autres créateurs sont arrivés et ont décidé de se passer des dés dans leurs systèmes de résolution. Ces pionniers qui sortent du moule font face à un défi de taille puisqu’ils doivent trouver une alternative à une solution simple et déjà bien ancrée chez les rôlistes.
Certains décident tout simplement de remplacer les dés par d’autres jeux. Les cartes en sont l’exemple le plus évident comme chez Dust Devils. C’est grâce à une manche de poker modifiée qu’on détermine qui réussit ses objectifs, qui prend des dégâts et qui raconte la scène.
Hormis les cartes, on trouve aussi des jeux qui reposent sur un mélange de hasard et d’adresse. Dread en est probablement l’illustration la plus connue puisqu’il simule la tension et l’horreur avec une tour de jenga.
Les dominos ont aussi un certain succès. Il y a quelques années, en 2017, un modeste JDR, basé sur l’utilisation du lot classique de 28 dominos, appelé « Aux Marches du Pouvoir » a réussi sa campagne de financement sur Ulule.
Briser les moules : des JDR sans « jeu »
Finalement, il existe les systèmes les plus audacieux : ceux qui disent non à tous ces mini-jeux pour la résolution des actions. Un des exemples plus anciens (les années 80-90) est le jeu Ambre Le jeu de rôle sans dé qui utilise plutôt une mécanique narrative ou la supériorité d’un personnage dans une aptitude donnée est absolue.
Plus récemment, on a aussi Bounty Hunter qui contourne la question de la réussite ou de l’échec. Pour le dire simplement, un joueur réussit forcément ses actions à condition de pouvoir payer le prix en points d’action. En conséquence, la subtilité des mécaniques réside dans la gestion de ces derniers.
Dernier exemple : Hunt. Dans ce jeu coopératif qui s’inspire beaucoup de la série des Dark Souls, les combats deviennent des puzzles à résoudre. Appelé LUMEN 2.0, il se focalise sur des systèmes de contrôle des ressources et la créativité des joueurs pour la résolution des conflits avec les monstres.
Tous ces systèmes se valent et possèdent leurs forces et leurs faiblesses. Cependant, leur variété témoigne de l’importance de la réflexion que les designers doivent mettre dans le choix des mécaniques de leurs jeux. Quelle mécanique reflète le mieux l’objectif de CE JDR ?